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Isao Takahata
L'article sur le deuxième fondateur du Studio Ghibli arrive enfin, voici Isao Takahata.
Affiliation : Studio Ghibli
Partie I : L'historique
Présentation générale
Isao Takahata est un animateur, metteur en scène et réalisateur de films d'animation japonais né le 29 octobre 1935 à Ise dans la préfecture de Mie. Il s'est rapidement orienté vers une carrière dans le milieu de l'animation où il débute en 1959 alors que le genre explose. Réputé pour être un incroyable bosseur et un artiste phénoménal il rencontre assez tôt le futur génie Hayao Miyazaki avec qui il nouera une solide amitié. Takahata est à ce moment là un mentor pour le jeune Miyazaki. Ils décideront ensemble dans les années 80 de fonder leur propre studio ce qu'ils réussiront à faire en 1985 après le succès colossal de Nausicaä de la vallée du vent, premier film à dévoiler pleinement le talent d'Hayao Miyazaki. En France, Takahata est majoritairement connu pour son film Le Tombeau des Lucioles, sorti en 1988. Ce film est avec Princesse Mononoke et le Voyage de Chihiro l'un des rares films d'animation japonais à être connu même des néophytes.
Enfance et jeunesse
Takahata nait donc en 1935 à Ise, dans la préfecture de Mie. Dernier des sept enfants de la famille, il vit une enfance plutôt banale et noue des liens "normaux" avec les membres de sa famille. Il est cependant obligé de déménager assez régulièrement pendant son enfance du fait du métier précaire de son père et des fréquents bombardements. En 1941 Takahata entre à l'école primaire d'Ôkayama. C'est pendant cette période et malgré la guerre qu'il va pour la première fois au cinéma. Il en devient passionné et y retourne régulièrement. C'est en 1943 qu'il découvre pour la première fois un film d'animation, en l'occurrence L'araignée et la Tulipe de Kenzo Masaoka. Immédiatement, le petit garçon devient fan de Masaoka qui restera l'un de ses modèles. En 1945, Takahata vit le pire moment de sa vie, pendant un raid aérien qu'il fuit avec sa soeur aînée, il perd de vue ses parents. Il ne les retrouvera que deux jours plus tard. Cet événement est très semblable à ce que vivent Seita et Setsuko dans Le Tombeau des Lucioles, bien que Takahata ne livre pas d'oeuvres autobiographiques. En 1954 et une fois son diplôme en poche, le jeune homme rejoint l'Université de Tokyo. Sans surprise, il entre aux Beaux Arts. C'est à ce moment là qu'il découvre la littérature française dont il devient un passionné. Jacques Prévert devient ainsi l'un de ses poètes favoris. Il découvre en parallèle le travail de Paul Grimault qui réalise en 1953 le film d'animation français La Bergère et le Ramoneur(qui devient en 1980 Le Roi et l'Oiseau). En 1956 Isao quitte le département des Beaux Arts et rejoint celui de littérature française dont il sort diplômé en 1959. Lors de l'obtention de son diplôme, il sait déjà qu'il veut travailler dans l'animation. C'est devenu son but et il compte bien réussir. A peine un mois après sa sortie de l'université, il est embauché chez la TôEI, studio fondé en 1956.
Les premiers pas dans l'animation
Au sein du studio, il débute comme assistant metteur en scène sur les premiers long-métrages et côtoie ainsi Yasuji Mori (animateur pionnier qui a lancé au Japon le système de direction de l'animation) et le vétéran Yasuo Ôtsuka (un des trois fondateurs de la Toei Animation). Il devient aussi ami avec Hayao Miyazaki à travers le syndicat des animateurs du studio. Son talent de metteur en scène est alors grandement apprécié et ses bases artistiques sont jugées comme très solides.
Takahata fait ses débuts en tant que réalisateur dès 1963 sur des épisodes de la série télévisée Ken, l'enfant loup. Faisant preuve d'un talent indéniable, il est choisi par Otsuka en 1965 pour réaliser Horus, prince du soleil, le nouveau gros projet du studio. Avec ce film, Takahata et son équipe ont pour ambition de révolutionner l'animation japonaise. Il veulent s'adresser à tous les publics et non plus seulement aux enfants et prennent pour cela un ton plus mature, dessinent de manière plus adulte et tentent de véhiculer des messages très généraux. A travers la création du film, Takahata donne une véritable envergure au rôle de réalisateur, et innove dans la mise en scène en intégrant des techniques cnématographiques propres aux films en prises de vue réelle. Takahata laisse également une grande liberté aux animateurs. Miyazaki travaille d'ailleurs comme animateur-clé et apporte de nombreuses idées dans la conception scénique.
Le film-manifeste d'un groupe d'idéalistes de l'animation est malheureusement un échec commercial avec des conséquence funestes pour l'équipe : des vétérans du studio sont renvoyés, Otsuka perd la moitié de son salaire et Takahata est rétrogradé au rang d'assistant réalisateur. Convaincu que les perspectives de carrière à la Toei animation ne le mèneront nulle part, Takahata décide de quitter le studio deux ans (et deux séries TV) plus tard. Il rejoint le studio A Production en 1971 avec Kotabe et Miyazaki, deux collègues et amis. Il y retrouve également Ôtsuka parti un peu plus tôt que lui. En 1972-1973 la collaboration avec Miyazaki continue notamment sur Lupin III et Panda Petit Panda. En 1974, Takahata est sélectionné après son brillant travail pour bosser sur le World Masterpiece Theater(des séries adaptées des oeuvres majeures de la littérature de jeunesse mondiale). Il commence par Heidi en 1974 puis enchaîne avec Marco en 1976 et Anne aux pignons verts en 1979. A chaque fois, Miyazaki le seconde. En parallèle, Isao travaille également sur Conan, le fils du futur, la série réalisée par Miyazaki. Il coréalise deux épisodes et met en scène une partie de la série. En 1982, après plus de cinq ans de travail, Takahata sort avec l'aide d'O Production un film d'animation rendant hommage à l'oeuvre de Miyazawa, Goshu le violoncelliste. Ce film non-commercial remporte un immense succès et le prix Ofuji, la distinction annuelle de référence dans le milieu. Takahata est enfin devenu un grand.
Le génie de l'animation et ses débuts chez Ghibli
Parallèlement à sa carrière chez A Production, Takahata travaille avec Ôtsuka chez Telecom Animation Film sur un film comique, Kié la petite peste qui sortira en 1981 et qui connaitra un franc succès à tel point qu'il sera décliné en série animée, réalisée par Takahata. En 1982 il travaille sur Little Nemo, un film nippo-américain mais comme son partenaire Miyazaki, il quitte le projet et son poste de réalisateur, la faute à une organisation calamiteuse. Par la suite il quitte ses différents postes secondaires et rejoint Miyazaki dans sa démarche de fonder son propre studio. C'est avec l'aide de Toshio Suzuki et après des années de négociations qu'ils tenteront tous les trois, et avec l'aide de la Tokuma Shoten, de réaliser un manga puis un film Nausicaä de la Vallée du Vent(voir l'histoire dans l'article sur Miyazaki). Finalement le manga est un succès et le film sorti en 1984 récolte presque uniquement des critiques positives. Le travail des deux légendes de l'animation est pittoresque et en met plein la vue aux animateurs du monde entier à commencer par Disney. Takahata produit le film et réalise un superbe travail. Il fonde ensuite avec ses deux amis le Studio Ghibli en 1985, le tout sous l'aile de la Tokuma Shoten. Il reprend ensuite son rôle de producteur pour Le Château dans le Ciel en 1986 et se fait produire par Miyazaki pour son documentaire en prise de vue réelle L'Histoire du Canal de Yanagawa(1987). Malgré son statut de fondateur de Ghibli, Takahata a cependant toujours manifesté une sorte de crainte d'être affilié à un seul studio. Il se considère donc comme un consultant, et c'est encore le cas aujourd'hui.
Pour autant cela ne l'empêche pas de relever le défi de Miyazaki après la sortie de son documentaire. Les deux hommes doivent réaliser un film qui sortira le même jour dans le même nombre de salles, afin de rapporter plus d'argent au studio et de voir qui est le meilleur. En 1988 sortent donc Mon Voisin Totoro et Le Tombeau des Lucioles. On ne sait pas vraiment qui a remporté ce défi mais les deux hommes ont littéralement adulé leur travail. Takahata enchaîne ensuite dans la réalisation avec Souvenirs goutte à goutte en 1991 puis Pompoko en 1994. Entre temps il met en scène, conseille et scénarise mais sans trop s'attarder sur un projet. On le sait amateur de challenge et c'est pourquoi chacun de ses films est un projet risqué. Mais en 1999 quand sort Mes Voisins les Yamada, c'est la douche froide. Le film sous forme de peinture est un succès très mitigé et peine à rentrer dans ses frais à la différence des films de Miyazaki. Takahata est fatigué et veut prendre une pause. Il aurait apparemment quitté le studio à cette époque malgré le fait qu'il n'ait jamais perdu son statut de salarié. Toujours est-il qu'il a mis sa carrière de réalisateur entre parenthèses à partir de l'an 2000.
Un réalisateur mais pas que
Son activité à partir de cette période est assez mystérieuse. On sait qu'il a vu énormément de films étrangers, des centaines parait-il et qu'il est notamment à l'origine de la distribution japonaise de films d'animation français comme Kirikou et Les triplettes de Belleville. Il en profite également pour diversifier ses activités. Il peint, dessine(il est fan d'emaki, une forme d'art typiquement japonaise), écrit des livres et donne des conférences dans différentes universités. Mais après plusieurs années à servir uniquement de consultant au sein du studio, Takahata souhaite revenir sur le devant de la scène. Il débute un nouveau projet en 2006, tout en étant admiratif du chemin parcouru par Miyazaki et les autres travailleurs du studio depuis son presque départ. Cependant des problèmes de santé l'empêchent de progresser dans son travail et ce n'est qu'en 2012 que son prochain film est annoncé. Encore une fois il relève un défi particulièrement compliqué, celui de reprendre un film entièrement en estampe japonaise traditionnelle. Le Conte de la Princesse Kaguya sort en 2013, mais ne peut être placé en compétition avec Le Vent se lève la faute à des problèmes d'ordre technique. Le second défi entre les deux réalisateurs vedettes du studio n'aura donc jamais lieu. Malheureusement le film de Takahata ayant coûté très cher, il ne rentre pas suffisamment dans ses frais et est un échec commercial. Takahata décide alors d'oeuvrer dans l'ombre du studio et essaye de le remettre sur les rails, pour autant il ne prend pas sa retraite. La fin de sa carrière est proche et il est probable qu'il ne réalise plus cependant il travaille toujours en tant que consultant pour Ghibli et contribue en grande partie à la restructuration du studio. En tout cas, il ne fait aucun doute que Takahata est un des plus grands réalisateurs de films d'animation de l'histoire et un pionnier de ce métier.
Partie II : Le style
Au niveau du style c'est plutôt simple. Takahata n'en a pas. Ou pour être plus précis, il peut tous les adopter puisqu'il s'efforce de ne jamais s'identifier à un type de travail en particulier. Au niveau des sujets il peut donc approfondir n'importe lequel quant à son travail artistique, il se porte uniquement sur le fond du projet et non la forme. En effet, à la différence de Miyazaki et de bon nombre de réalisateurs contemporains, Takahata ne dessine pas lui-même, il se contente de réaliser et donc de donner des directives et des conseils de mise en scène. Par conséquent il ne joue pas sur ses propres compétences techniques mais sur celles de toute une équipe, une équipe variée avec plusieurs styles en son sein. Par conséquent le travaille de Takahata est bien plus ouvert que celui d'un réalisateur qui fait tout lui-même, cependant c'est aussi à mes yeux moins méritant. Enfin dernier point, Takahata fait en sorte de toujours prendre des risques dans ses projets et c'est sans doute son seul trait de caractère qui se retrouve partout et qui permet de l'identifier dans une oeuvre.
Partie III : L'oeuvre(non exhaustive)
Le producteur et le metteur en scène
1959-1961 : Divers projets en tant qu'assistant metteur en scène
1961 : Anju to zushiomaru(assistant réalisateur)
1962 : Tanoshii bunmeishi tetsu monogatari(assistant réalisateur)
1963 : Wanpaku oji no orochi taiji et Ankokugai saidai no ketto(assistant réalisateur)
1984 : Nausicaä de la Vallée du Vent(producteur)
1986 : Le Château dans le Ciel(producteur)
Le réalisateur
1963-1965 : Ken, l'enfant loup(quelques épisodes)
1968 : Horus, prince du soleil
1968-1969 : Gegege no Kitaro(quelques épisodes)
1969-1970 : Mooretsu ataro(quelques épisodes)
1971-1972 : Apache Yakyugun(quelques épisodes), Gegege no Kitaro, deuxième série(quelques épisodes) et Lupin III(coréalisateur avec Hayao Miyazaki de quelques épisodes)
1972-1973 : Panda Petit Panda avec Hayao Miyazaki
1974 : Heidi(52 épisodes)
1976 : Marco(52 épisodes)
1978 : Conan, le fils du futur(coréalisateurs des épisodes 8&9 avec Hayao Miyazaki)
1979 : Anne aux pignons verts(50 épisodes)
1981-1983 : Kié la petite peste, la série(64 épisodes)
1982 : Goshu le violoncelliste et Kié la petite peste
1987 : L'Histoire du Canal de Yanagawa
1988 : Le Tombeau des Lucioles
1991 : Souvenirs goutte à goutte
1994 : Pompoko
1999 : Mes Voisins les Yamada
2003 : Jours d'hiver(court-métrage)
2013 : L'histoire de la Princesse Kaguya
L'article est donc terminé, j'ai préféré supprimé la partie sur les éventuelles récompenses puisqu'au final cela me prend beaucoup de temps pour pas grand chose. Pour le reste j'essaye d'améliorer la formule au fur et à mesure et j'espère que cela se voit. En tout les cas on se retrouve la semaine prochaine pour de nouveaux articles, passez une bonne fin de week-end.
Tags : Isao Takahata, animation, réalisateur, Hayao Miyazaki, Ghibli, Le Tombeau des Lucioles
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